METHODIQUE. ÉCONOMIE POLITIQUE ET DIPLOMATIQUE, PARTIE DÉDIÉE ET PRÉSENTÉE PAR M. DÉ MEUNIER, Secrétaire ordinaire de MONSIEUR, TOME SECOND. A PARIS, Chez PANCKOUCKE, Libraire, hôtel de Thou; rue des Poitevins: A LIÈGE, Chez PLOMTEUX, Imprimeur des États. M. D C C. LXXXV I. DU ROI. AVEC APPROBATION, & PRIVILEGE DU D DACHSTUL, feigneurie immédiate d'Allema- du foleil ou d'une lumiere quelconque ne le tou gne. Elle eft bornée, d'un côté, par le bailliage allemand du duché de Lorraine, & de l'autre par les bailliages de Saarbourg & de Grimbourg, qui appartiennent à l'électeur de Trèves, dont elle relè ve. Elle appartenoit anciennement à la ligne Rodolphine des dynaftes de Fleckenftein: le dernier de ces princes la vendit en 1644 à Philippe-Chriftophe de Soetern, archevêque de Trèves, fon feigneur direct, qui la donna à fa famille à titre de fidéicommis. Marie Sidoine fa fille, & l'héritière de Philippe-François, comte de Solms, la porta en mariage à Notger Guillaume: la famille de ce dernier la poffède encore. Son titulaire ne fiège pas aux affemblées de l'Empire, mais il a voix & féance à celles du cercle du haut-Rhin. Sa taxe matriculaire eft d'un cavalier & d'un fantaffin, ou de 16 florins par mois; & fa contribution pour l'entretien de la chambre impériale eft de 10 rixdalles & 73 kr. par mois. DAIRI ou DAIRO, fouverain pontife des japonois. Kaempfer l'appelle le monarque héréditaire eccléfaftique du Japon. On fait que l'empire du Japon a deux chefs; l'un eccléfiaftique qu'on nomme dairo, & l'autre féculier qui porte le nom de kubo. Ce dernier eft à proprement parler l'empereur, & le premier eft l'oracle de la religion du pays. Les grands prêtres, fous le nom de dairis, ont été long-temps les maîtres du Japon, tant pour le fpirituel que pour le temporel. Ils ufurpèrent l'autorité plenière & abfolue, par les intrigues d'un ordre de bonzes venus de la Corée, dont ils étoient les chefs. Ces bonzes facilitèrent à leur dairi le moyen de foumettre toutes les puiffances de ce grand Empire. Avant cette révolution, il n'y avoit que les princes du fang ou les enfans des rois, qui puffent fuccéder à la monarchie; mais après la mort d'un des empereurs, les bonzes ambitieux élevèrent à l'Empire un de leurs grands prêtres, qui jouiffoit de la réputation d'un faint. Les peuples, qui le croyoient defcendu du Soleil, le prirent pour leur fouverain. Leurs idées religieufes étoient très-abfurdes. Ils rendirent à cet homme des hommages idolâtres ; ils fe perfuadèrent que s'oppofer à fes commandemens, c'étoit réfifter à Dieu même. Lorsqu'un des rois particuliers ou des chefs du pays avoit quelque démêlé avec un autre, ce dairi connoiffoit de leurs différends, avec la même autorité que fi Dieu l'eût envoyé du ciel pour les décider. Quand le dairi régnant marchoit, dit l'auteur de l'Ambaffade des hollandois, il ne devoit point toucher la terre; il falloit empêcher que les rayons Econ. polit. & diplomatique. Tom. II. chaffent: on eût regardé comme un crime de luf couper la barbe & les ongles. On lui préparoit fes repas dans une vaiffelle qui ne pouvoit fervir qu'une fois. Il prenoit douze femmes, qu'il épou foit en grande pompe: fon château offroit deux rangs de maisons, où elles logeoient fix de chaque côté. Il avoit de plus un férail pour fes concubines. On apprêtoit tous les jours un magnifique fouper dans chacune de ces douze maisons: il fortoit porté fur un palanquin magnifique, dont les colonnes d'or maffif étoient entourées d'une ef pèce de jaloufie, afin qu'il pût voir tout le monde fans être vu de perfonne. Ce palanquin repofoit fur les épaules de quatorze gentilshommes des plus qualifiés de fa cour. Il étoit alors précédé de fes foldats, & fuivi d'un grand cortège, en particu→ lier d'une voiture tirée par deux chevaux, dont les houffes étoient couvertes de perles & de diamans deux gentilshommes tenoient les rênes des chevaux, pendant que deux autres marchoient à côté ; l'un d'eux agitoit fans ceffe un éventail pour rafraichir le pontife, & l'autre portoit un parafol. Cette voiture appartenoit à la premiere de fes femmes ou de fes concubines, &c. Nous fupprimons d'autres détails de cette efpèce dont parlent les voyageurs; il nous fuffit de remarquer que le peuple rendoit au dairo un culte peu différent de celui qu'ils rendoient à leurs dieux. Les bonzes, dont le nombre eft immense, montroient l'exemple, & gouvernoient defpotiquement fous leur chef. C'étoit autant de tyrans répandus dans les villes & dans les campagnes : leurs vices & leurs cruautés aliénérent à la fin les efprits des peuples & des grands; un prince, feul refte de la famille royale, forma un fi puiffant parti, qu'il fouleva tout l'Empire contre eux. Une feconde révolution acheva d'enlever aux dairos la fouveraineté qu'ils avoient ufurpée, & les fit rentrer avec les bonzes dans leur état naturel. Le prince royal remonta fur le trône de fes ancêtres prit, vers l'an 1600, le titre de kuto. Ses defcendans ont laiffé au dairo fes immenfes revenus quelques hommages capables de flatter sa vanité avec une ombre d'autorité pontificale & religieufe pour le confoler de la véritable autorité qu'il a perdue. Méaco eft fa demeure; il y occupe une espèce de ville à part avec fes femmes, fes concubines, & une très-nombreuse cour. L'empereur ou le kubo réfide à Yedo, capitale du Japon, & jouit d'un pouvoir abfolu fur tous fes fujets. Voyez JAPON. L'article du dairo, qu'on lit dans le Dictionnaire de Trevoux, a befoin d'être rece tifié. Confultez Kaempfer, & les Recueils des voyages de la Compagnie des Indes orientales au Japon, tom. V. Voyez JAPON. DALAI-LAMA ou LAMA-SEM, & communément LE GRAND LAMA, chef de la religion de tous les tartares idolâtres, ou plutôt leur dieu fenfible & vivant. jours à fes pieds un baffin deftiné à recevoir les offrandes des devots. DALMATIE, ( DALMATIA) hung. Datmatiai Arffag. contrée d'Europe. La Dalmatie actuelle, qui appartient à la Hongrie, à Venife, à l'Empire ottoman & à la république de Ragufe, s'étend depuis le fleuve Arfo jufqu'au fleuve Drin; mais il y en a une portion comprise fous le royaume d'Iftrie, & une autre fous celui d'Albanie. Les habitans de cette contrée ont la même langue & la même manière de vivre que les efclavons, & leur religion eft la catholique romaine. Précis de l'hiftoire politique de Dalmatie. La Dalmatie, felon les monnoies & les infcriptions, tire fon nom de l'ancienne ville de Delmium ou Delminium que les romains prirent & détruifirent l'an de Rome 597. Ils établirent leur domination dans la Dalmatie, qui fecoua cinq fois le joug & leur fufcita bien des embarras jufqu'au règne d'Augufte. Lorfque cet empereur partagea les provinces avec le fénat, la Dalmatie fut une des onze provinces proconfulaires que devoient gouverner les fénateurs; mais le fénat la lui rendit de fon plein gré, & il la fit régir par un gouverneur. Après la mort de Conftantin le grand, cette province fut regardée comme un des diftricts de l'Illyrie occidentale: elle eut beaucoup à fouffrir, de même que les royaumes voifins de l'inondation des peuples barbares; & les goths ayant créé un empire en Italie, fubjuguèrent la Dalmatie: Juftinien, empereur d'Orient, vainquit les goths & les dalmates. Les esclavons pénétrèrent en Dalmatie l'an 640; ils s'y maintinrent vers la fin du règne d'Héraclius, & ils eurent leurs rois particuliers. Le dernier de ces rois nommé Slodomir, &, felon d'autres, Saromyr, n'ayant point d'enfans, laiffa le royaume à fon époufe, qui le légua à fon frère Ladiflas, roi de Hongrie, qui l'a tranfmis à fes fucceffeurs. Les vénitiens cependant occupèrent les côtes ; ce qui détermina les rois de Hongrie à déclarer aux vénitiens & aux dalmates rebelles plufieurs guerres dont le fuccès fut d'abord heureux mais, au quinzième fiècle, les vénitiens fe rendirent maîtres de tout le royaume de Dalmatie. Depuis cette époque, les turcs leur en ont enlevé une partie & la Hongrie eft rentrée en poffeffion de quelques diftricts; ou plutôt ce que poffède la Hongrie fait partie de l'ancien royaume de Liburnie plutôt que de celui de Dalmatie. Nous donnerons à l'article VENISE quelques détails fur les reffources qu'offre la Dalmatie aux vénitiens. Le nom de dalai-lama fignifie prêtre univerfel, On prétend que ce pontife eft le même, auquel on donna autrefois le nom de prêtre - Gehan, ou prêtre-Jean; car le mot de Gehan, dans la langue des peuples de la partie feptentrionale de l'Inde, fignifie univerfel. Ainfi prêtre-gehan & dalai-lama ont la même fignification. Ce dieu prétendu fait fa réfidence ordinaire près de Potala, vers les frontières de la Chine. Il habite un célèbre couvent fitué fur le fommet d'une montagne très-éle vée. Vingt mille prêtres de cette divinité habitent les environs on les nomme lamas. Ils demeurent plus ou moins près du grand-lama, felon qu'ils font plus ou moins diftingués par leur dignité & par leur mérite. On dit que le dalai-lama réunit Ja puiffance fpirituelle & la puiffance temporelle; & que, par une modération qu'on n'a guère vu, Ani & fes prêtres fe mêlent feulement des affaires fpirituelles; mais il y a lieu de croire que des circonftances particulieres lui font une néceffité de ce facrifice de fes droits. Le dalai-lama a fous lui deux kans des calmouks, chargés de l'adminiftration de l'autorité temporelle & des dépenfes néceffaires à l'entretien de fa maison. On ajoute que le grand-lama a foin de ne pas expofer fa divinité au grand jour; qu'il ne fort prefque jamais de fon palais, & fe tient toujours renfermé dans le fond d'un temple, entouré de ses prêtres, qui lui Tendent tous les hommages dus à l'Etre fuprême. Lorsque les dévots viennent l'adorer, on ne leur permet pas d'approcher de trop près. Le refpect qu'on porte à ce dieu va fi loin, que fes excrémens même font regardés comme facrés. Cette inconcevable folie paroît certaine, car elle eft atteftée par tous les écrivains ; & on ne fera pas difpofé à la révoquer en doute, fi on fonge à toutes les extravagances humaines. On conferve précieusement fon urine, comme un remède divin contre toutes les maladies. On fait fécher fes excrémens les plus groffiers: on les réduit en poudre qu'on enferme précieufement dans des boîtes d'or enrichies de pierreries, & on les envoie aux plus grands princes comme des préfens d'un prix ineftimable. Ces monarques fe font honneur de les porter fufpendues à leur cou. Les peuples font convaincus que le grand lama ne meurt point; Remarques fur la Dalmatie. Les fleuves de la -& pour entretenir cette erreur, lorfque les prêtres Dalmatie ont peu de longueur; mais ils font prefs'apperçoivent que fa mort n'eft pas éloignée, ils que tous navigables. Au nord, le pays eft montueux font chercher de tous côtés un homme qui lui ref- & froid, & il n'eft propre qu'à la nourriture des femble, & le fubftituent adroitement à fa place. beftiaux ; mais d'autres diftricts offrent des plaines On vient en foule, des pays les plus éloignés, ou des collines très-fertiles. En général, la Dalpour visiter le temple du grand lama. Il y a tou-matie produit beaucoup de bois. C'est de la Dal matie que Venife tire la plupart de fes bois de chauffage & de conftruction; elle produit auffi de l'huile, du vin & du miel, de la cire & du bétail, (fur-tout des chevres & des brebis). Elle exporte en Italie une quantité affez confidérable de laine. L'air y eft tempéré & pur.. Ce qu'on appelle la Dalmatie hongroife eft fitué au haut de la mer Adriatique, & fait une partie de l'ancienne Liburnie. Avant de la décrire, eft à propos de dire un mot des ufcofes & de la Morlaquie. Les ufcofes abandonnèrent autrefois la Dalmatie pour échapper au joug des turcs. Leur dénomination vient du mot fcoco, qui fignifie un fugitif; & comme ils fautent avec agilité, plutôt qu'ils ne marchent, dans le pays rude & inégal qu'ils habitent, on les a appellés fauteurs. Lors de leur fuite, ils s'établirent en foule à Cliffe; mais les turcs ayant acquis ce canton en 1537, ils fe retirèrent à Zengh que l'empereur Ferdinand leur céda. Comme ils y exerçoient trop de brigandages, on leur affigna en 1616 les montagnes de la Carniole, qui ont quatre grands milles d'Allemagne de longueur, & qui font fituées entre les rivières de Kulp & de Brigana. Le château de Sichelberd fe trouve au milieu de ces montagnes. Tous les ufcofes dépendent du capitaine du château de Sichelberg; ils demeurent dans des maifons éparfes, ou près de Feyenthum, Wenitz, & aux environs, dans de gros villages. C'eft un peu ple groffier & fauvage, d'une haute taille, courageux, enclin aux défordres & au vol, & qui tire fa principale fubfiftance du produit de fes troupeaux. Il parle la langue valaque. Sa religion approche beaucoup de la religion grecque; mais il y a parmi les ufcofes quelques catholiques romains. Ils ont un archevêque, des évêques, des popes ou prêtres, & des coluges ou moines. On donne le nom de Morlaquie à la portion de la Liburnie, qui s'étend depuis Saint-Georges dans le territoire de Zengh jufqu'au comté de Sara ; ou, felon d'autres, depuis Binodok jufqu'à Nowogrod; elle a quinze milles géographiques de longueur, & cinq à fix de largeur: elle eft remplie de hautes montagnes. Le nom de morlaques a été introduit par les vénitiens, & il eft enfuite devenu ufité chez les autres peuples d'Italie. Il vient de mauro ulachi, terme moitié grec & moitié efclavon, qui défigne des italiens maures ou noirs, ou des valaques. On a appellé morlaques tous ceux qui demeurent fur les montagnes, & qui mènent la vie paftorale des valaques, quoiqu'à proprement parler ils ne faffent point partie des valaques: les italiens appliquent cette dénomination à tous les habitans des montagnes de la Rafcie, de la Bofnie & de la Croatie, dont la langue n'a abfolument point de rapport avec l'italienne. Ce font des hommes grands & robuftes, dont le tempérament s'eft fortifié par l'habitude de vivre dans les montagnes. Ils s'occupent de la nourriture & du foin du bétail; la plupart fuivent la religion grecque. Aujourd'hui ils font fous la protection de la Hongrie, ou fous celle des vénitiens, & il n'y a prefque point de place forte en Dalmatie, où on ne trouve des morlaques en garnison. La Dalmatie hongroife confifte en cinq diftricts, qui obéiffent au gouvernement de Carlstadt. Nous en parlerons plus en détail à l'article ILLYRIE HONGROISE. Ragufe eft la capitale de la Dalmatie ragufienne. Voyez RAGUSE. Ce que nous avons à dire fur la Dalmatie turque, fe trouvera à l'article OTTOMAN (EMPIRE). DANEMARCK, contrée de l'Europe, dont il n'eft pas befoin d'indiquer ici la pofition. Cet article contiendra, 1°. un précis de l'hiftoire politique du Danemarck, entremêlé de remar ques fur fon gouvernement ; 2°. la defcription des provinces de ce royaume & des remarques fur le climat; 3°. des détails fur la population, les payfans · & les nobles; 4°. des obfervations fur l'agriculture, les manufactures, la navigation & le commerce; 5o. des remarques fur les établissemens de commerce ou les colonies que le Danemarck poffède en Afie, en Afrique & en Amérique; 6°. des détails fur les impôts, les revenus, les dépenfes, les dettes & les loix fomptuaires; 7°. des détails fur l'armée & fur la marine; 8°. d'autres détails fur les loix & les tribunaux; 9o. enfin des obfervations fur les intérêts & les rapports politiques du Danemarck, Précis de l'hiftoire politique du Danemarck, & rem marques fur fon gouvernement. C'eft une opinion affez généralement reçue que les cimbres occupoient, dans les temps les plus reculés, à l'extrêmité de la Germanie, la Cherfonèfe cimbrique, connue de nos jours, fous le nom de Holftein, de Slefwick, de Jutland, & que les teutons habitoient les ifles voifines. Que l'origine des deux peuples fût ou ne fût pas commune, ils fortirent de leurs forêts ou de leurs marais enfemble & en corps de nation, pour aller chercher dans les Gaules, du butin, de la gloire & un climat plus doux. Ils fe difpofoient même à paffer les Alpes, lorfque Rome jugea qu'il étoit temps d'oppofer des digues à un torrent qui entraînoit tout. Ces barbares triomphèrent de tous les généraux que leur oppofa cette fière république, jufqu'à l'époque mémorable où ils furent exterminés par Marius. Leur pays prefque entiérement défert après cette terrible catastrophe, fut de nouveau peuplé par des fcythes qui, chaffés par Pompée du vafte efpace renfermé entre le Pont-Euxin & la mer Cafpienne, marchèrent vers le nord & l'occident de l'Europe, foumettant les nations qui fe trouvoient fur leur paffage. Ils mirent fous le joug la |